Mohamed Salah, idole distante dans son village d'origine à Nagrig

Mohamed Salah, idole distante dans son village d'origine à Nagrig

A Nagrig, au coeur du Delta du Nil, les tensions avec Liverpool et les spéculations sur un éventuel départ comptent pour peu. Dans ce petit bourg natal de l'attaquant égyptien Mohamed Salah, on suit de loin les exploits de l'enfant du pays devenu icône mondiale.

Le complexe sportif où il a commencé le football arbore son nom depuis la qualification de l'Egypte à la Coupe du monde en 2018 et expose son portrait à l'entrée. Dans le village par ailleurs, on trouve peu de signes de la célébrité.

Les adolescents non seulement de Nagrig mais aussi des environs se pressent en masse attirés par le prestige du stade où la légende des Reds a inscrit ses premiers buts.

"Grâce à lui je peux espérer", dit en souriant Mohamed Ahmed 16 ans qui s'entraîne quatre fois par semaine. "Je suis ravi de jouer ici", ajoute t il avant de rejoindre la pelouse gorgée d'eau.

Pour lui et bien d'autres l'international égyptien de 33 ans représente un modèle inspirant et sa récente mise à l'écart à Liverpool où il a mal vécu son passage sur le banc n'entame pas son prestige.

"Salah est un symbole pour la jeunesse", précise Roshdy Gaber chargé de la sécurité. "C'est un garçon déterminé et travailleur qui a su progresser pour occuper sa position actuelle".

Aide matérielle

Parti de Nagrig à 14 ans pour intégrer un club du Caire puis poursuivre en Europe où il a évolué à Bâle Chelsea Fiorentina et Rome avant de briller pleinement à Liverpool le "Pharaon" garde un lien fort avec sa commune.

Le "centre pour la jeunesse" soutenu par la star illustre son dévouement humanitaire affirme le père du jeune Mohamed Ahmed Ali.

"Nos enfants n'ont plus besoin d'aller dans d'autres villages pour s'adonner au football" explique cet ouvrier de 45 ans qui partage avec son fils le goût du ballon.

"Mo" Salah qui célèbre chaque but par une prosternation et a prénommé sa fille Mekka en référence à la Mecque a également financé à Nagrig la construction d'un institut religieux pour garçons et filles un édifice de cinq niveaux coûtant plus de 17 millions de livres égyptiennes environ 300000 euros.

De plus chaque mois sa fondation verse 50000 livres soit 900 euros aux orphelins aux veuves et aux femmes divorcées de la localité.

"C'est une immense source de fierté" pour la communauté résume le dirigeant local qui a sélectionné pour son portable une mélodie en l'honneur du joueur.

"Il est demeuré le garçon courtois et modeste que nous avons toujours connu" ajoute t il préférant rester anonyme.

"Des agriculteurs plus prodigues"

Cependant au delà des éloges on perçoit une certaine amertume. "Hélas plusieurs récits ont été amplifiés" concernant l'aide financière dit il alors qu'il attendait davantage du double Ballon d'Or africain rémunéré à hauteur de 400000 livres sterling par semaine environ 450000 euros.

En signant cette prolongation colossale avec les Reds la saison passée après un long suspense Salah serait devenu selon les calculs le deuxième footballeur le mieux rémunéré de Premier League derrière l'attaquant norvégien d'Erling Haaland de Manchester City 525000 livres près de 600000 euros hebdomadaires.

Mis à part le complexe sportif "Salah n'a guère accompli grand chose pour son village" insiste Ahmed Ali qui avec ses 90 euros mensuels à l'usine s'étonne que le champion n'ait pas plus investi dans sa région.

"J'ai vu des cultivateurs plus larges d'esprit" confie t il.

Entourée de cultures d'oignons de jasmin de riz de blé de maïs ou de fèves cette localité de 20000 âmes dans le gouvernorat de Gharbeya à 120 kilomètres au nord ouest du Caire fait face à un déficit d'équipements.

Par ce matin de décembre la pluie a submergé les voies dégradées de Nagrig. Devant le centre le bus a déposé les joueurs qui ont achevé le chemin à pied dans la gadoue les chaussures en main.

En effet rien ne draine l'eau qui coule partout tout dérape et se déplacer demande une grande prudence.

Dans la ruelle étroite où a grandi Mohamed Salah un ancien tonneaux orné d'un maillot des Reds avec son numéro indique la demeure familiale aux murs peints simplement en rouge aujourd'hui vide.

Bien que son nom soit connu de tous peu ont eu l'occasion de le voir "lorsqu'il passe c'est la nuit pour éviter les rencontres" raconte Asma une étudiante qui a omis son nom complet.

Pour le responsable local un point est clair "Mohamed a apporté une bouffée de vitalité à son village comme à son pays au monde arabe et à l'Afrique".

Et ajoute t il "il faudra beaucoup de temps avant qu'un nouveau Mohamed Salah n'apparaisse".