Cars blindées et gardes armés: au Mexique, le marché de la protection s'organise pour la Coupe du monde 2026
Leopoldo Cerdeira tire sur la portière d'une automobile. Son objectif est de prouver l'efficacité de son système de protection, pour la proposer en location à des figures publiques ou à des fans aisés venus de l'étranger au Mexique pendant la Coupe du monde 2026.
Les projectiles sont arrêtés par les fibres résistantes de la couche artificielle qui enveloppe les 70 véhicules de cet homme d'affaires mexicain. Ils sont équipés pour le tournoi de football, que le Mexique organisera conjointement avec les États-Unis et le Canada du 11 juin au 19 juillet 2026.
Ces luxueuses automobiles ont dernièrement convoyé une équipe de la FIFA en visite dans le pays. La collection, destinée au Grand Prix de Formule 1 au Mexique fin du mois à Mexico, atteindra 80 unités pour la compétition de soccer.
Conducteurs, gardes armés, protections anti-explosifs, vestes anti-balles et mallettes protégées: une variété d'options est offerte par le domaine de la sécurité, un domaine qui bénéficie de la criminalité violente qui touche le Mexique, avec 30000 meurtres annuels.
"L'insécurité nationale a boosté notre secteur", admet Gabriel Hernandez, dirigeant d'Armoring Group, qui vend des autos et des tenues anti-balles à des civils et militaires au Mexique, en Espagne et aux États-Unis.
Les officiels promettent de déployer tous les efforts pour assurer la protection du tournoi, qui aura lieu dans trois localités mexicaines: Mexico, Guadalajara à l'ouest, et Monterrey au nord, connue pour son industrie.
La ville principale, hôte de deux finales de Coupe du monde couronnant le Brésil de Pelé en 1970 et l'Argentine de Maradona en 1986, anticipe cinq millions de touristes, et échappe habituellement aux assauts des trafiquants de drogue.
Touristes fortunés et inquiets
Guadalajara, par ailleurs, sert de base au cartel de Jalisco Nueva Generacion (CJNG), un réseau qualifié de terroriste par les États-Unis, qui offrent 15 millions de dollars pour la capture de son leader, Nemesio Oseguera alias "El Mencho".
Pour séduire les acheteurs, au delà de la protection balistique: les poignées des autos peuvent envoyer des décharges électriques, les roues disperser du gaz irritant, et les pneus rouler 80 kilomètres après perforation.
"Nos bookings concernent des voyageurs, des personnes riches qui assistent aux matchs avec crainte, ayant perçu des rumeurs négatives sur le Mexique", explique Leopoldo Cerdeira depuis les locaux de son entreprise, Ruhe.
Le tarif journalier pour une de ces autos va de 800 à 1100 dollars, plus 500 dollars pour un conducteur et un garde. Pour 1500 dollars, on peut obtenir une veste anti-balles discrète.
Le Mexique recevra des matchs du 11 juin au 5 juillet, y compris l'ouverture à Mexico, équipée de 40000 caméras de surveillance additionnelles.
Dans les trois villes des rencontres, les drones seront limités.
Une pause pendant le tournoi
Au delà de la fiabilité de ses offres, l'industrie mexicaine des firmes de sécurité privées doit aussi empêcher les narcotrafiquants de s'infiltrer, un enjeu que les patrons disent maîtriser.
Les cartels ont d'ailleurs créé leur propre marché illégal, produisant des "bêtes", des gros véhicules avec des armures faites main. Des bandes comme le CJNG ont diffusé des vidéos montrant leurs assassins en parade dans ces engins, lourdement armés.
Début d'année, les forces de l'ordre ont fermé un garage secret de renforcement dans l'État de Sinaloa, au nord-ouest, bastion d'un autre cartel majeur mexicain.
Il y a huit ans, deux employés de Leopoldo Cerdeira ont rejoint un gang criminel.
Selon l'homme d'affaires, ces organisations offrent des rémunérations triples, mais le péril est immense: ses deux ex-collaborateurs ont été découverts sans vie dans l'État de Sinaloa.
Malgré leur menace, les cartels ne posent pas de risque immédiat pour la Coupe du monde, selon David Saucedo, expert en sécurité consultant pour des ambassades et autorités locales.
"Ils ont eux-mêmes un soutien populaire qui profitera des événements", dit Saucedo. L'analyste ne rejette pas un arrangement implicite avec les officiels, acceptant d'éviter les grandes opérations contre les cartels en échange d'une garantie que ces derniers s'abstiendront "d'actions violentes ternissant l'image du Mexique".
"Ce serait une sorte de cessez-le-feu pour le tournoi", affirme-t-il.